
PREMIÈRE BOUTEILLE PRODUITE PAR EUGÈNE MOUSSÉ
Du 17e siècle à nos jours, vignerons de père en fils depuis 1629 et vinificateurs depuis 4 générations, les Moussé ont toujours vécu le long de la vallée de la Marne. À Cuisles depuis 1880, ils exploitent leurs vignes et vendent leurs raisins au Négoce.
Né en 1896, Eugène Moussé est l’un des deux vignerons du canton à décider de vinifier son Champagne. Il a pris cette décision à la suite de la crise de 1922, pendant laquelle le cours du raisin s’est effondré. Il achète son premier pressoir et quelques barriques, c’est le début d’une grande histoire.

PREMIÈRE COMMERCIALISATION
En 1926, Eugène demande à Evrard THOMAS (à droite sur la photo), propriétaire de la première voiture de Cuisles, une Citroën B14, de l’emmener à Paris avec quelques bouteilles. Ils y rencontrent un Américain qui démarre une activité de traiteur. Au bout de quelques années, ce jeune traiteur achète toute la production d’Eugène.
Pendant des années, Eugène a emmené ses bouteilles dans des caisses en bois, à la gare de Port-à-Binson. Il faisait le trajet avec Mona, le cheval noir demi-course de Monsieur Fresne, qui tractait une tapissière.
Une fois déposées à la gare, les caisses de Champagne partaient en train vers Paris. Le traiteur américain les a récupérées à la Gare de l’Est jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale.



SECONDE GUERRE MONDIALE
Jusqu’au conflit de 1939, la clientèle s’étoffe, mais malheureusement, la guerre met un terme momentané aux efforts d’Eugène.
24 juin 1943 : Edmond, le fils d’Eugène, et son ami Jean Loé scient le pylône au milieu des vignes de Cuisles pour couper l’alimentation électrique des Allemands. On raconte que les habitants ont pu entendre les scies depuis le village à l’aube de ce 24 juin.
Août 1943 : Le réseau Possum est mis en place pour secourir les aviateurs anglais et américains parachutés. Il s’étendait depuis la province Belgique-Luxembourg, jusqu’au triangle Reims-Fismes-Soissons et permettait de décoller plus facilement de la vallée vers Londres.
Le 15 novembre 1943, Eugène abrite pendant une douzaine de jours deux aviateurs parachutés, l’anglais Ian Robb et le lieutenant américain Carlyle Darling.
Le réseau Possum tombe le 28 décembre 1943 lors d’une irruption de la Gestapo au 161 rue Lesage à Reims pendant des échanges radio avec Londres. De nombreuses raisons peuvent expliquer la chute du réseau Possum, mais la plus évidente semble être les indiscrétions et les imprudences des résistants et des pilotes en attente de rapatriement.
En cette fin 1943, c’est toute la résistance marnaise qui est décimée par des arrestations simultanées, préparées et programmées.
L'ARRESTATION D'EUGÈNE ET EDMOND
Le 21 juin 1944, Eugène et Edmond, tous deux résistants, sont arrêtés par la Gestapo. Les allemands viennent les arrêter, quand un officier trouve une Sten sur le buffet. Ils décident de ne pas fouiller la maison. Une chance pour Jacques Hodin, une figure de la résistance, qui était caché dans une des chambres.
Les Moussé sont d’abord conduits au siège de la Gestapo à Reims, rue Jeanne d’Arc. Chacun est interrogé séparément.
Comme la prison de Reims avait été bombardée, ils sont conduits en camion à la prison de Châlons sur Marne puis à Compiègne. Suzanne, la femme d’Eugène, est allé à Compiègne à vélo pour essayer d’avoir des nouvelles de son mari. Elle lui laisse un message à travers le grillage par l’intermédiaire d’un des prisonniers. On n’a jamais su si Eugène a pu le lire.
Ils sont d’abord déportés à Neuengamme, un camp de travail et d’extraction d’argile destiné à la construction de briques.
Ils sont ensuite affectés au commando de Bremen-Farge pour participer à la construction du bunker Valentin. Ils ne se voient pas durant cette période et Edmond ignorait totalement ce qu’était devenu son père, et ce, jusqu’à sa mort.
Edmond se retrouve ensuite dans les décombres d’Hambourg à participer à des opérations de déminage des bombes lâchées par les alliés.
On ne connait pas les détails de la déportation d’Eugène, on sait qu’il a été déporté à Watensted-Salzgitter, un camp de fabrication de bombes et de munitions.
Il perd malheureusement la vie à cause du typhus dans le camp de concentration de Ravensbrück le 12 avril 1945.
Sa femme Suzanne assure l’intérim sur l’exploitation avec beaucoup de courage jusqu’au rétablissement de leur fils Edmond.



LA RENAISSANCE DU CHAMPAGNE MOUSSÉ
Après la guerre, Edmond, animé par la passion de la vinification, partage et forme de nombreux vignerons dans la vallée.
L’après-guerre lui avait donné envie de profiter de la vie. Chaque minute partagée avec sa famille, ses amis ou juste à cueillir des morilles, était importante.
La maladie, puis son décès en 1990, le privent du plaisir de poursuivre le développement avec son fils Jean-Marc qui l’a rejoint sur l’exploitation.
LA PREMIÈRE RÉCOLTE DE JEAN-MARC
En immense passionné de ses vignes et de son vin, Jean Marc amorce le virage de la transition écologique très tôt. Peu après son installation, il commence à enherber ses vignes et repenser toute la production.
En bâtisseur, il construit un nouveau pressoir en 1990 qui deviendra plus tard la salle de réception actuelle.
En 2009 avec Cédric, il créé un nouveau chai de production complètement éco-conçu.
En 2013, il est coupé dans son élan par un accident. Cédric finira la vinification qu’il avait débutée. Homme engagé, il aura été maire de Cuisles pendant 25 ans.


L'AVENTURE CONTINUE POUR CÉDRIC
Après quelques années à se former dans différents vignobles et à la cuverie expérimentale du CIVC, Cédric passe beaucoup de temps à expérimenter dans les vignes de l’exploitation familiale.
La volonté d’aller très loin dans une production ultra responsable avec une durabilité profonde se dessine très vite.
En 2014, le pari d’arrêter complètement les pesticides de synthèse est réussi. Les exigences sont depuis très claires : produire meilleur et propre.
En 2017, une rupture se fait sur la vinification. Une seule idée en tête, supprimer tous les masques (sucre au dégorgement, produits œnologiques, soufre de pétrole, bois neuf, oxydation…). C’est le top départ d’années de recherches et d’une profonde modification dans les vins.
Suite à une rencontre avec Fred Niger, brillant vigneron du Muscadet, les prochaines années vont être consacrées à monter le niveau vibratoire des vins.
Divers projets sont en cours, avec toujours dans l’esprit l’objectif carbone zéro et l’amélioration qualitative. Le futur va être intéressant.